16 Octobre 2025
Nouveau Ciné-Club
Nouveau Ciné-Club : Propagande, critique de la propagande

La Porte du diable

d'Anthony Mann
Etats-Unis / VOSTFR / N&B
Avec Robert Taylor, Louis Calhern, Paula Raymond
Durée 1h24

Au 19e siècle, un sergeant-major de l'armée fédérale est de retour dans son village natal. D'origine indienne, il est, malgré les récompenses obtenues au fil des ans, toujours mal considéré.

Le film
« La Porte du Diable s’ouvre sur le retour de l’Indien Lance Poole dans sa tribu après trois ans passés au sein de l’armée de l’Union durant la guerre de Sécession. Ayant participé à trois grandes batailles, été promu sergent-chef et reçu la médaille d’honneur du Congrès, il revient dans sa région natale du Wyoming où vivent encore quelques membres de sa tribu, convaincu que son combat aux côtés des nordistes aura fait triompher les idéaux d’égalité et de liberté de Lincoln et que rien ne fera plus obstacle à une vie en paix avec les Blancs dont il a été compagnon d’armes (combien de Noirs ont-ils cru, après leur participation à la Deuxième Guerre mondiale, être devenus des Américains à part entière?!). Il doit vite déchanter : le racisme est toujours aussi virulent chez les colons et la haine est rapidement portée à incandescence lorsqu’un avocat machiavélique s’appuie sur un nouveau texte de loi qui interdit tout accès à la propriété aux Indiens pour promettre leurs terres ancestrales aux éleveurs blancs. Dans un premier temps, Poole, avec l’aide d’une jeune avocate, tentera d’obtenir gain de cause par la voie juridique, mais il se résoudra vite, à force de provocations, à la lutte armée. Une lutte vouée à l’échec et à la tragédie pour lui et pour les siens. »
Bernard Eisenschitz, Le Temps, 1 septembre 2012

Critique
« J’estime que ce western prend place parmi les chefs-d’œuvre d’un des maîtres du genre […] La caméra reste souvent immobile, le montage est très travaillé entre (les plans sont brefs), et l’ensemble paraît curieusement dépouillé, mais en fin de compte tout aussi efficace. Rendons hommage au passage aux très grands opérateurs John Halton aussi heureux en couleurs qu’en noir et blanc et que signe là une photographie inoubliable, et qui ne détonne pas dans la réalisation : aucun plan ne semble inutile, tous contiennent une attitude, un geste, un mouvement d’une grande beauté, beauté mise en scène par les cadrages et les éclairages, qui évite ainsi les pièges de la gratuité et de la superficialité. Un simple champ contrechamp suffit pour nous faire comprendre que Brooke, très bien incarné par un Robert Taylor sobre et tragique, à renie les Blancs pour épouser la cause de son peuple. Ce refus de l’esbroufe, du tape à l’œil, ce désir de ne pas claironner un « Problème », défaut dans lequel tombent beaucoup de cinéastes engagés, font de ce western l’un des plus grands films antiracistes qui ne prétend pas changer le monde, mais qui veut seulement dévoiler quelques-unes des injustices et des hontes qui l’avilissent, et jamais cette dénonciation devient théorique ou primaire.
Bertrand Tavernier, Cinema 62, n°65, avril 1962

Soirée programmée et présentée par Youcef Boudjemaï et Jacques Lemière